Les Pennes-Mirabeau : une ville au pluriel

Patrimoine

Odyssée d'un nom

Les Pennes-Mirabeau

Tout comme les expressions populaires, les noms de ville ont une histoire à raconter. Feuilleter les vieux grimoires peut se révéler une activité passionnante et enrichissante. Notre commune, on le sait, a d’abord été pendant très longtemps un petit village haut perché nommé "Les Pennes", étape nécessaire depuis Marseille pour se rendre à Salon de Provence. A cette époque, il était plus qu’utile de faire reposer ses chevaux dans un relais de poste, tenu par une aubergiste d’origine bas-alpine qu’on appelait "la gavotte".


La Gavotte - Quartier Jeanne d'Arc (ancienne carte postale)

 

"Les Pennes"

Le mot pennes peut avoir différentes acceptions : plumes d’oiseau, et notamment celles situées au niveau des ailes, par extension les ailes elles-mêmes, ("Super pennas ventorum" = sur les ailes du vent, est la devise de la commune), et même plus récemment variété de courtes pâtes alimentaires d’origine italienne.

La connotation avec les ailes peut évoquer les moulins qui ont toujours été présents dans le village, comme dans toute la région. Cependant, on s’accorde plutôt à penser que le mot «pennes», d’origine celtique, signifie ici «barres rocheuses».
Il se retrouve dans certains noms bretons et caractérise toujours un éperon rocheux "LA PENNE". Le pluriel viendrait donc des deux crêtes rocheuses situées au sommet du vieux village des Pennes-Mirabeau.

"Mirabeau"

Pour éviter la confusion avec 7 autres villages dont le nom contient aussi "pennes", le 5 août 1900 on lui donna le nom de Pennes-Voltaire. Pourquoi Voltaire ? L'écrivain était bien entendu dans l'air du temps, et d'autres comme Diderot ou Montesquieu ont laissé leur nom à des rues du village.

Janvier 1901 : le nom du village redevient "les Pennes", peut-être parce que le nom de Voltaire indisposait quelque peu le clergé local.

C'est en 1902 que la ville adopte le nom de "Pennes-Mirabeau". Le changement de nom est inscrit au Journal Officiel et figure dans les archives. On décèle ici un lien probable avec le Comte de Mirabeau.

Gabriel-Honoré RIQUETTI, (1749-1791) était issu d’une famille installée en Provence depuis le 16e siècle. Assez jeune, le futur tribun connu autant pour son éloquence (sa tirade "nous sommes ici par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes" restera célèbre) que pour sa grande laideur, épousa Émilie, fille du puissant marquis de Marignane.

 
Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau

 

Il apparut assez vite comme le défenseur du peuple contre les abus des privilégiés et l’absolutisme royal et conquit une popularité immense en contestant vivement les ordres du roi. Partisan d’une monarchie constitutionnelle, il souhaitait un sage équilibre des pouvoirs entre le roi et l’Assemblée. Le résultat fut que cette idée novatrice pour l’époque inquiéta également la droite et la gauche.

Il fut élu député par le Tiers-état le 6 avril 1789, à la fois à Aix et à Marseille. Le village de Mirabeau dans le Vaucluse est dominé par un château construit sur les ruines d’un ancien château appartenant à sa famille.

Il parait donc vraisemblable que l’on détienne là l’origine du nom de notre ville, la famille du Comte de Mirabeau étant très implantée dans la région et possédant des terres sur notre commune.

"Mira beü"

Une autre version que défendait le chantre du félibrige Maurice Ripert était que Mirabeau serait une déformation de "mira beü" qui en provençal signifie belle vue, ou belvédère. En effet, du haut de l’ancien château du marquis de Vento, la vue est sublime...

Maurice Ripert avait même suggéré que les habitants prennent le nom de "penomirabeliens" pour cesser d'être confondus dans les médias avec tous les autres "pennois". Cette explication recueille à ce jour beaucoup moins de suffrages que l’explication historique. Nous n’en saurons guère plus, car certains maires du siècle dernier ont crû bon de jeter définitivement un grand nombre d’archives.

Cent ans après son changement de nom, la ville des Pennes-Mirabeau compte plus de 20.000 âmes, réparties sur une des plus grandes superficies communales de la région. Bien évidemment, on se plait à rappeler aux visiteurs que lorsque l’on cite notre ville, la liaison avec le "LES" est nécessaire (on dit "Aux Pennes-Mirabeau", "les quartiers des Pennes-Mirabeau", etc.).


Le Vallon de l'Assassin

Faites l'expérience : vous ne trouverez pas un pennois qui vous parle de descendre en voiture le Vallon Kleber pour se rendre à Plan de Campagne. Ici, chacun utilisera la dénomination de Vallon de l'assassin qui est implantée solidement dans l'usage local comme dans la mémoire collective.

Jusque dans les années 80, les cartes routières mentionnaient le terme de Vallon de l'assassin, avant d'entériner le nom de Vallon Kléber, en ajoutant "anciennement Vallon de l'assassin".

Quel drame s'est joué un jour au Vallon de L'Assassin ?

Il est temps de lever le voile sur le nom mystérieux de cette route départementale 113 très empruntée qui relie la caserne des pompiers et le grand rond-point répartiteur. Au 18ème siècle, la plupart des routes et chemins de la région n'étaient pas sûrs et on risquait au minimum de se faire détrousser (un village près du Garlaban porte le nom de "La Destrousse"), voire bien pire.

Sous Louis XIV, les différences entre les classes de la population sont très fortes. Les paysans, les chevaliers de la France rurale sont loin d'avoir la même vie qu'à Versailles. Nous sommes le jeudi 21 août 1710. Un groupe de personnes se rend de Marseille à Salon de Provence, ce qui à l'époque prenait plusieurs jours. La veille, ils avaient laissé reposer les chevaux dans un relais de poste, dont la tenancière venait des Basses Alpes. "On s'arrête un peu chez la gavotte, se disaient-ils entre eux".

Après le hameau de La Gavotte, ils cheminent sur la crête rocheuse jusqu'à atteindre le petit village qui deviendra bien plus tard le quartier des Cadeneaux, avant de descendre le chemin qui menait au pied du vallon. Là, une auberge accueillante les attend pour se restaurer.

A l'intérieur de la Bastide tenue par Jean Arnoux et sa femme, il y a beaucoup de monde et l'unique servante a du mal à satisfaire la soif et la faim de tous ces clients bruyants. Il y a là notamment 4 soldats des galères, probablement fichés comme contrebandiers.

L'historien gignacais, Michel Metenier, raconte la suite : " les 4 soldats boivent énormément, et commencent à casser tout ce qui passe à leur portée. Vers 23h, alors que les clients sont partis, ils tuent à coup de revolver Jean Arnoux, sa femme, et le beau-frère de Jean qui tentait de s'interposer. La servante sera assassinée à la baïonnette. Ils prennent la fuite après le massacre, volant au passage une somme évaluée à 500 livres".

Le lendemain seulement, on découvre l'horreur de la scène. Deux des soldats ne seront pas retrouvés, et seront jugés par contumace. Le soldat Bellon sera puni de 10 ans de galère et devra ramer pour le roi à l'arsenal des galères à Marseille. "Quant au cerveau de l'opération, poursuit Michel Metenier, Pierre-Joseph Olivier, dit "L'empereur", il sera jugé à Aix-en-Provence en octobre 1710, et condamné au supplice de la roue. Sa tête et son bras droit seront exposés aux Pennes sur des piques placées à une cinquantaine de mètres de l'auberge maudite.

Détails historiques empruntés à l'ouvrage de Georges Reynaud : "Le logis de l'assassin".

Le général Jean-Baptiste Kléber, quant à lui, a été assassiné au Caire en 1800, et ses restes ont été transportés à Marseille, un peu oubliés au Château d'If, puis acheminés vers Strasbourg en empruntant donc, au départ, la route du "Vallon de l'assassin", que l'on nomma en ce début du 19ème siècle "Vallon Kléber".

 

Et l'auberge ? Au 20ème siècle, l'auberge devint un hôtel Primotel. Puis le terrain fût cédé au géant américain des boissons à bulles. On peut encore apercevoir un tout petit bâtiment qui serait une partie des dépendances de l'ancienne bastide, rasée il y a des années.

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